Bienvenue sur la tribune officielle du festival AFRICA 2010

C'est l'espace d'expression de la nouvelle génération consciente de l'Afrique. La jeune intelligentsia africaine, engagée pour la promotion du continent en 2010 afin d'accompagner les deux grands événements historiques :
50 ans d'indépendance et la Coupe du monde de football.

Rechercher dans ce blog

samedi 2 janvier 2010

Une deuxième indépendance?




Ce cinquantième anniversaire intervient alors que l'Afrique subsaharienne est à un tournant. Certains évoquent une « deuxième indépendance », en particulier pour les anciennes possessions françaises, d'autres préfèrent parler d’une nouvelle phase dans l'histoire de l'Afrique post-coloniale. Quoiqu'il en soit, le visage de l’Afrique de 2010 est bien différent de celui qu’elle présentait en 1960.

Cinquante ans après les indépendances, la France ne fait plus rêver sur le continent africain. Jusqu’à la fin des années 80, l'ancienne métropole était la référence, parfois même une sorte de seconde patrie réelle ou virtuelle pour nombre d'Africains. Aujourd'hui, à Dakar, Abidjan, Douala ou Brazzaville, les regards se tournent bien souvent vers les Etats-Unis, le Canada, l’Afrique du Sud. Certes, d'importantes communautés issues des pays francophones d'Afrique vivent en France et des liens perdurent, sous de multiples formes, entre les deux rives de l'Atlantique. Mais quelque chose a incontestablement changé.

L'instauration de lois restrictives sur l'immigration dans les années 80 y est pour quelque chose. La fermeture des frontières a poussé les candidats à l'émigration de travail vers d'autres Etats européens, comme l'Italie et l'Espagne. Dans le même temps, les universités françaises, autrefois débouchés naturels pour bon nombre d’étudiants d’Afrique subsaharienne ont perdu leur monopole. Beaucoup leur préfèrent le Canada, les Etats-Unis, le Maroc ou étudient chez eux.

Découragés par les tracasseries administratives, de plus en plus d’intellectuels ou professeurs d’universités africains voyagent ou vont enseigner au Québec, aux Etats-Unis ou en Afrique du Sud, plutôt qu’en France. Du coup, au fil des années, les élites africaines se sont progressivement détachées de la France, s’ouvrant au reste du monde, tout en s’ancrant davantage dans leur propre culture.

Renouveau identitaire

Cette évolution n’aurait sans doute pas été aussi profonde sans une révolution dans les technologies de la communication. L’époque où les téléspectateurs au Bénin, en Côte d’Ivoire ou au Cameroun étaient nourris de programmes gracieusement offerts par la France aux télévisions nationales est terminée. L'irruption de la télévision par satellite et de l’Internet a bousculé repères et modèles.

Même si les ruraux en sont encore largement privés, l’urbanisation galopante du continent africain permet à une grande partie de la population d’y avoir accès et d’être connectée au reste du monde. Parallèlement, les technologies vidéo numériques, peu coûteuses, ont permis de développer davantage de programmes télévisés locaux qui participent, à leur manière, à une forme de renouveau identitaire. Les « télénovelas », fameux feuilletons brésiliens suivis par des millions de téléspectateurs, ont beau toujours avoir leur public, ils sont désormais concurrencés par des séries à succès, comme « Ma Famille », en Côte d’Ivoire, ou les centaines de productions «made in Nigeria» diffusées à la télévision ou vendues en DVD dans la rue. En outre, la libéralisation des ondes dans de nombreux pays, depuis le début des années 90, a mis fin au tête-à-tête entre les radios nationales et les radios internationales, telles que RFI, désormais concurrencée par une myriade de stations privées du cru.

Sur le plan politique, même si la France continue à jouer sa partition en Afrique, notamment au Tchad, où le soutien de la France a récemment été déterminant dans la survie du régime d’Idriss Deby, l’avenir du continent ne se décide plus à Paris. La France l’a douloureusement compris en Côte d’Ivoire, où la crise survenue en 2002 a finalement a été réglée par un compromis entre le président Gbagbo et son homologue burkinabé Blaise Compaoré.

Moins de Français en Afrique

Paris a, d'ailleurs, réduit sa présence militaire sur le continent, avec la fermeture de ses bases en Centrafrique et en Côte d'Ivoire. Dans le même temps, il y a de moins en moins d'expatriés français en Afrique. Au milieu des années 80, 200 000 d'entre eux vivaient sur le continent, dont quelques 50 000 dans la seule Côte d’Ivoire. Vingt-cinq ans plus tard, ce chiffre a été quasiment divisé par deux*. Et pour la seule période 1994-2001, les coopérants civils et militaires sont passés de 3200 à 1899.

Sur le plan économique, il est loin le temps des chasses gardées où les entreprises françaises étaient assurées d’obtenir des contrats dans le « pré carré » africain. Place maintenant à la mise en concurrence avec les groupes américains, européens, chinois, saoudiens, iraniens ou sud-africains. Idem pour l’aide au développement. Même si la France reste l’un des plus gros donateurs en Afrique francophone, l’aide passe de plus en plus par le canal de l’Union européenne ou d’autres organismes internationaux tels que la Banque mondiale. En outre, les dirigeants africains se tournent allègrement vers des nouveaux partenaires, comme la Chine, les émirats du Golfe ou l’Iran, moins regardants sur les droits de l’homme et la bonne gouvernance.
Cinq décennies après avoir officiellement obtenu leurs indépendances, les Etats africains n’ont pas forcément tourné le dos à la France. Peut-être ont-ils simplement banalisé leurs relations avec elle, en coupant le cordon ombilical avec l'ancienne métropole.

*Comment la France a perdu l'Afrique, Antoine Glaser et Stephen, Calmann-Levy, 2005
**France/Afrique: Adieu les coopérants et militaires, La lettre du Continent, 6 décembre 2001


Par Christophe Champin
Source : www.rfi.fr

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire